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L’abdication n’est pas une démission

4 Juin 2014, 17:02pm

Publié par AF Provence

Abdication, monarchies et allongement de la durée de vie - L’abdication n’est pas une démission
Abdication, monarchies et allongement de la durée de vie
(article de Jean Bonnevey publié sur http://metamag.fr/ le 02/06/2014)

« Le roi est mort, vive le roi ». La formule a peut-être fait son temps. En effet la monarchie a le mérite d’évoluer et de s’adapter pour survivre et assurer son rôle essentiel, la continuité de la nation au-dessus des partis.
Aujourd’hui, avec l’allongement de la durée de la vie, les souverains qui meurent dans leur lit le feront à des âges très avancés. Le sang neuf  lui-même sera déjà bien âgé quand il montera sur le trône. L’abdication du roi d’Espagne après celle du pape montre que les souverains, seraient-ils pontifes, prennent la mesure du changement. Le changement de génération, l’indispensable renouvellement, ne peut plus attendre la mort. Le  geste de Juan Carlos sera sans doute imité de plus en plus souvent, à l’exception notable sans doute de la reine d’Angleterre.

 

Quand les rois mouraient à 40 ans, leurs enfants de 18 ans ou bien plus jeunes prenaient la relève. Certes il y avait de longs règnes mais pas, sauf à de rares exceptions, de règnes interminables. Et puis du temps de Ramsès II ou de Louis XIV, c’est le monarque qui faisait l’époque. Aujourd’hui les souverains qui ont fait leur temps sont trop décalés. Pour maintenir, il faut tout changer pour que rien ne change comme l’expliquait le « guépard » et cela passe maintenant  dans notre monde de communication, par la personne et l’image du roi. Et puis, c’est vrai qu’un jeune souverain ne peut pas être déjà vieux….  Si Alexandre était monté sur le trône à 60 ans, il n’aurait sans doute pas conquis le monde.
C’est vrai que les rois n’ont plus le pouvoir qu’ils avaient avant et souvent ils en ont moins qu’un président ou un premier ministre, mais ils incarnent malgré tout la fonction royale. L’intelligence des souverains sera donc de sentir quand leur image usée ne sert plus à la noblesse de leur fonction. Juan Carlos a donc bien agi pour la survie d’une monarchie qui était de plus en plus contestée à travers sa personne.
Cela n’a rien à voir avec le jugement que l’on peut porter sur son règne, qui ne se limite ni à sa chasse aux éléphants ni à une crise économique dont il n’en pouvait mais. On peut ne pas aimer ce roi, mais son règne illustre la grandeur du principe dynastique. Voilà que se manifeste objectivement une supériorité institutionnelle des dynasties sur les monarques républicains. Un président ne peut pas abdiquer. Il peut certes démissionner mais en cas de crise, il est toujours l’otage des élections et de la politique politicienne, pas le vrai souverain, en tout cas beaucoup moins.
Le cas espagnol va devenir un cas d’école
Trente-neuf ans après avoir accédé au trône, le roi d'Espagne, Juan Carlos, 76 ans, a annoncé, lundi 2 juin, sa décision d'abdiquer de la couronne. Le roi s'est ensuite adressé aux espagnols, à la télévision et à la radio  pour expliquer les raisons d'une décision motivée par le besoin de « renouveau » du pays. Pendant sa déclaration, il a évoqué plusieurs fois une « génération nouvelle, plus jeune, avec de nouvelles énergies, qui est décidée à prendre en main avec détermination les transformations et les réformes que la conjoncture actuelle appelle, pour affronter [...] les défis de demain ». Juan Carlos a évoqué son fils « qui incarne la stabilité, un des éléments clés de l'identité de l'institution monarchique ». A propos de Felipe, le roi a ajouté qu'il avait « la maturité, la préparation et le sens des responsabilités nécessaires pour assumer en toute confiance le rôle de chef de l'Etat ».
Felipe va monter sur le trone à 46 ans. Moderne et discret, Felipe de Bourbon a été élevé dans un unique objectif : devenir roi d'Espagne, un rôle préparé depuis l'enfance, qu'il assume aujourd'hui en prenant la succession de son père. Etudes à l'étranger, formation militaire : « Son objectif, son seul objectif, est de servir l'Espagne. Il lui a été inculqué, dans son for intérieur, qu'il doit en être le premier serviteur », a confié un jour sa mère, la reine Sofia. Sa mission : assurer la continuité d'une monarchie parlementaire instaurée progressivement avec l'arrivée sur le trône en 1975 de Juan Carlos, désigné par Francisco Franco comme son successeur.
C’est en effet la volonté du « caudillo » d’avoir voulu une continuité monarchique pour stabiliser l'Espagne et  cicatriser les plaies de la guerre civile… sans Franco pas de Juan Carlos. Le souverain a voulu démocratiser le pays, en fait le normaliser. Les plus franquistes des franquistes ont jugé qu’il faisait fausse route et trahissait. Par un coup d'état, ils ont voulu remettre le roi sur la route de la révolution nationale. Le roi a refusé et condamné les putschistes qui, le cœur gros, ont renoncé par fidélité au roi que Franco leur avait donné et donc à leur chef historique.  Ils sont rentrés dans le rang et en ont payé le prix.
Ce règne mérite d’être étudié sur sa paternité, « qui t’as fait roi?», ses premiers pas (trahison ou vision), ses orientations au fil des gouvernements, ses erreurs sur le tard (maladie mal gérée) et les scandales mal assumés mais pour finir un départ qui ne manque ni de panache ni d’intelligence et qui devrait servir de leçons à tous ceux qui sentent qu’ils n’ont plus prise sur les événements, qu’ils ne peuvent plus jouer leur rôle.
Finalement les rois sont peut-être plus imprégnés de l’intérêt général et national que les présidents de tous élus par quelques-uns.


Illustration en tête d'article : Juan Carlos s'adressant au peuple espagnol pour annoncer son abdication.

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